Hey Jude, don't make it Bad... [Alissa :)]

La meilleure façon d'échappée à une adolescente pleine d'hormones et surtout manipulatrice comme pas deux...c'est de couper son téléphone portable et ça, Donatello l'avait bien compris. Comme tous les soirs, après ses longues journées passées à surveiller les rejetons du Lycée Da Vinci, le jeune Puccinelli se rendait au Dolce Caffè afin d'attaquer son deuxième job, musicien de café. Pas qu'il manquait d'argent, sa paie certes maigre de pion suffisait à subvenir à ses besoins mais le plaisir de voir le sourire d'Alissa valait bien quelques heures de sommeil et puis il préférait de loin être ici à se racheter une conduite plutôt qu'être obligée à supporter le harcèlement quotidien de Sofia Corleone. Le revers de la médaille en quelque sorte. Donatello mettait en effet tout ça sur le dos du Karma et pensait payer ses fautes de la sorte, après tout, ça ne pouvait pas être juste un « mythe », c'était même carrément logique, il avait fait du mal, beaucoup de mal que dis-je, à autrui et désormais il se devait de souffrir, de souffrir autant voir pire pour comprendre et pouvoir peut-être un jour mériter une hypothétique rédemption. Alors, tout gêné, toujours empreint du même malaise, le jeune homme entra dans les locaux du café, se frayant un chemin jusqu'à son coin, où trainait un simple tabouret. Ce tabouret et sa guitare étaient en effet ses outils de travail et il restait là jusqu'à la fermeture, enchainant des classique pop-rock. Alissa, elle, s'attelait comme d'habitude à servir ses clients, il ne faisait jamais le premier pas vers elle, comme craignant qu'elle ait à nouveau peur de lui, qu'elle tremble autant que le premier jour où leurs visages s'étaient à nouveau croisé, à la sortie de la prison, autant que le premier jour où elle avait finalement retiré sa plainte pour préférer apprendre à le connaître et comprendre. Avant de venir jouer chaque soir au Dolce Caffè, un nombre incalculable de lettres avaient été échangées entre eux et il s'était livré comme jamais à elle. Retirant sa guitare de sa housse, il posa l'instrument de bois sur son genou pour laisser balader ses doigts sur les cordes. « Hey Jude, don't make it bad... »

Alissa n'avait pas eu beaucoup de mal à faire accepter à Antoni le fait qu'elle travaille tard le soir au Dolce Caffè. Elle avait juste eu à lui dire que Donni dormait le soir, et que lui passait la plupart de ses soirées au Macarena, et donc qu'elle préférait être sur son lieu de travail le soir, pour filer un coup de main et s'occuper de la paperasse au calme, plutôt que la journée, où elle pouvait profiter pleinement de leur fils et de lui. Seulement, la vérité, seule Alissa la connaissait. Elle avait engagé Donatello pour jouer le soir et animer ainsi son café. Et elle aimait rester jusqu'à la fermeture pour l'observer jouer, l'écouter chanter. Elle ne pouvait pas se l'expliquer elle même, alors comment le faire comprendre à ses proches ? Antoni manquait déjà de le tuer à chaque fois qu'il croisait Donatello dans la résidence, alors si Alissa lui parlait des lettres échangées, des discussions passées, et même des morceaux de musique partagés entre eux, il ne pourrait pas l'accepter. Elle s'était donc juste contentée de dire que Donatello jouait de temps en temps au Dolce Caffè, mais qu'elle n'avait même pas à lui parler puisque son adjointe gérait l'animation des soirées.
Comme tous les soirs, Alissa observait, souvent sans en donner l'air, Donatello. Il lui arrivait d'aller lui parler, quand il ne restait plus qu'un ou deux clients au bar, que les employés étaient quasiment tous partis. Elle avait à chaque fois la même appréhension. Une sorte de frayeur qui s'emparait d'elle, comme si elle craignait qu'il recommence et qu'il la violente. Elle s'avancait vers lui, la boule au ventre, et la voix à moitié cassée elle lui adressait un simple mot qui lançait tout de suite le dialogue, la peur s'évadant alors immédiatement, laissant place à une sorte d'attirance incontrôlable. Elle le dévorait toujours du regard, un regard bien souvent embué de larmes, triste, et elle buvait ses paroles comme s'il avait été le Messie. Elle était en totale admiration devant cet homme qui la terrifiait en même temps. Ce soir là, Alissa n'attendit pas que le Caffè soit vide, elle alla le voir dès la fin de sa première chanson. Elle avait été troublé. Ils avaient déjà parlé ensemble de cette chanson, elle avait une véritable signification, pour tous les deux. Totalement paniquée, elle s'approcha de lui quand il joua les dernières notes de sa chanson, et lui dit pendant les applaudissements :

- A quoi joues-tu ~~Doni~~ Donatello ?

Elle semblait sur le bord de la crise de nerfs, elle tremblait et donnait l'impression de vasciller. Ce n'était pourtant pas la première fois que Donatello jouait cette chanson mythique des Beatles, mais c'était la première fois qu'elle réagissait comme ça en l'entendant chantée par le jeune homme. C'était on ne peut plus troublant.

Il n'avait pas fait attention, les pensées comme toujours ailleurs, ses doigts glissant quasi automatiquement sur les cordes de son instrument. Cette chanson le hantait parce qu'il lui semblait qu'elle passait en boucle dans son esprit et que la seule manière de s'en débarrasser était de l'extérioriser. Il avait ainsi le mince espoir que les notes s'envoleraient de sa tête en même temps qu'il les jouerait. Foutaise ! Et maintenant, il était mal le man :P Alissa face à lui, troublée, le teint blême. Il bafouilla, alors que les applaudissement remplissaient la salle. Merde, il avait encore foutu les pieds dans les plats, sans même en avoir conscience. Il était vraiment le roi de la délicatesse.
Baissant les yeux, il détestait devoir croiser plus de trois secondes les yeux ronds et fâchés de la jeune femme, ça le tourmentait et le renvoyait directement dans le passé, au temps des erreurs et des bêtises, alors, prenant son courage à deux mains, voulant plus que tout calmer la jeune Calvini, il articula un petit « Désolé, j'avais la tête ailleurs... » et posant sa guitare contre le mur, il ajouta : « Je t'offre un verre...et, tu n'as pas le droit de refuser...le comptoir est vide. ».
Certes, il était là pour jouer et animer le bar, mais il méritait bien quelques pauses...oui oui, même après avoir joué qu'une seule et unique chanson. Quittant son tabouret, il se plaça devant la jeune femme, il savait qu'elle ne pourrait pas refuser, que c'était genre la routine entre eux, et qu'ils aimaient bizarrement partager ce moment ensemble, bien qu'il soit à la fois dérangeant et remplis de tous un tas de sentiments plus contradictoires les uns que les autres.

Alissa était encore toute vascillante. Comme au bord d'une falaise. Prête à tomber dans le précipice. C'était toujours comme ça avec Donatello, un peu comme une descente après plusieurs jours de sevrage pour un drogué. Elle ne pouvait se l'expliquer, c'était comme ça depuis toujours avec lui, et le plus troublant, c'est qu'elle aimait ça. Elle aimait être dans cet état et faisait tout pour l'être. Il lui arrivait même de provoquer des mini-conflits, juste pour avoir sa dose d'adrénaline.
Donatello l'avait bien compris et semblait s'en accomoder. Il avait aussi instauré leur petit rituel de boire un verre ensemble, le soir. En général, il est vrai qu'ils ne le faisaient pas si tôt, mais après ce qu'il venait de se passer, une pause s'imposait. Alissa détestait perdre le contrôle d'une situation, et là, entendre cette chanson dans son café la dépassait totalement. Elle avait besoin d'un remontant, et vite. Elle n'allait donc pas lui dire non, qu'il n'ait pas peur. De toute façon, Alissa ne lui disait jamais non, même quand il l'avait violée, elle n'avait pas dit non [xD]. Elle le suivit donc jusqu'au comptoir, et n'eut même pas eu besoin de commander son verre à son employé, il savait toujours ce qu'elle voulait boire, et là, il comprit qu'elle souhaitait doubler la dose, et lui tendit son verre, sans piper mot. Elle le gratifia d'un sourire qui voulait dire "si tu racontes autour de toi que ta patronne est une pochtronne, tu iras pointer au chômage à vie", et porta son verre à ses lèvres, plongeant son regard troublé dans celui de Donatello.

- Tu sais que je serai en droit de t'interdire de boire pendant le service ...

Elle fit mine de lui donner une petite claque, et se mit à rigoler. Il fallait croire que l'alcool lui donnait de l'assurance face à cet homme qu'elle n'arrivait pas à haïr, malgré tout le mal qu'il lui avait fait. Elle était tellement troublée en sa compagnie, qu'elle savait qu'elle pouvait déraper à tout moment, dans un sens comme dans un autre ... Elle avala alors d'une traite sa vodka citron glacée, reposa son verra sur le comptoir, et après avoir dévisager Donatello du regard, le dévorant presque des yeux, elle s'approcha de son visage et dit :

- Je crois que j'ai envie de t'embra ...

Et sans aucune logique, comme si elle venait tout juste de revenir à la vie après avoir été ensorcellée, elle ouvrit de grands yeux ronds, et prise de panique d'être à deux doigts des lèvres de son violeur ~~préféré~~, elle sauta de son tabouret et se réfugia en courant dans son bureau, suffoquant presque.

Et comme prévu, parce que c'était comme ça et pas autrement, parce que ça faisait partie intégrante du "jeu" instauré entre eux, elle le suivit jusqu'au comptoir. Elle était si proche de lui, qu'il pouvait presque sentir ses vêtements froisser les siens. Une drôle d'attitude me diriez-vous ? Oui, sans doute, mais ici, personne n'osait en faire la remarque, ou tout du moins, tout le monde fermait les yeux, trouvant ça déjà bien assez étrange de travailler avec le propre violeur de leur patronne. La nouvelle, au début n'avait pas spécialement enchanté les serveuses, plusieurs d'entre elles, avaient même demandé leur démission, par sécurité sans doute. Le temps avait finalement bien fait les choses, les autres employés n'avaient pas bronché, gardant toujours un oeil sur lui, le surveillant, traquant le moindre geste déplacé envers Alissa et puis, ils s'étaient habitués, avaient même finis par baisser la garde. Donatello mettait en effet un point d'honneur a n'avoir aucun geste qui pourrait être traduit comme déplacé en public avec la jeune femme. C'était un travail de longue haleine, qui le forçait à garder un contrôle constant et totale de lui-même en quasi permanence. Il n'avait pas le droit à l'erreur, plus le droit. Assis au comptoir près de l'objet de ses tourments, il commanda un Wisky pur, le sourire aux lèvres, alors que la jeune Calvini, le menaçait de lui interdire de boire, pendant le service. Il hocha légèrement la tête, répondant, d'une voix toujours très calme et apaisante :

"Oui, ça serait il me semble dans tes justes droits... beaucoup plus rentable aussi. Mais, tu sais mieux que moi-même à quel point je suis intimidé et mal à l'aise sobre...médiocre aussi. L'alcool sauve l'animation du café Princesse...Alors, trinquons à l'alcool !"

Il fit un petit clin d'oeil, tout en appréciant la première gorgée de sa boisson. Il se sentait déjà beaucoup plus à l'aise à mesure que sa gorge se réchauffait. Le verre vide de la jeune femme, claqua contre le bois du comptoir. Elle avait déjà fini son cocktail. Surprenant. C'est alors qu'elle articula une phrase qu'il pouvait finir sans problème...ce qu'elle ne fit pas. En effet Alissa, chancelante, quitta précipitamment son tabouret pour se réfugier dans le bureau. Les yeux ronds, le regard de Don' croisa celui d'une serveuse, à deux doigts de lâcher son plateau. Le jeune musicien la devança, lui coupant la route, tout en disant :

"Occupe-toi de la boutique, je m'occupe de la demoiselle..."

Se collant contre la porte du bureau, il tapa trois petits coups distinct et d'une voix douce ajouta :
"Hey Princesse... J'ai fais ou dis quelque chose de mal ? Je t'en prie ouvre-moi ?"
La porte n'était pas fermée à clé et Alissa était assise sur le bureau, le souffle court. Il s'approcha, refermant doucement la porte derrière lui :

"Tu m'avais pas dis que t'avais l'alcool mauvais..." S'approchant davantage d'elle, il attrapa avec délicatesse son menton entre ses mains, afin de contempler son parfait visage :
"Je suis désolé, si je t'ai mis mal à l'aise...Je n'aurai jamais du jouer cette stupide chanson...je sais pas ce qui m'a pris. Si tu veux, je peux rentrer tout de suite...C'est toi qui voit..."

Assise sur son bureau dans le noir, ALissa tentait de se calmer. Elle ne pouvait pas avaler un ou deux antidépresseur pour se relaxer, elle ne les avait pas ici. Alors, elle essayait de mettre en pratique ses cours de sophrologie d'accouchement sans douleurs, remontant à 6 ans, pour se calmer. Elle tremblait encore de tout son corps en repensant à ce qu'elle avait manqué de faire. Elle avait même des hallucinations, voyant et entendant Antoni lui dire que ce n'était pas bien, qu'elle jouait à un jeu dangereux et allait le regretter.
Elle entendit Donatello frapper à son bureau. Elle savait très bien que c'était ce qu'il ferait, elle n'avait rien fait pour l'en empêcher. Peut-être qu'inconsciemment, c'est ce qu'elle cherchait. Se retrouver seule, dans le noir, avec lui. Tout le monde sait que le noir pousse aux confidences, voire aux bêtises. Elle sursauta quand il ferma la porte derrière lui. Des images lui revenaient, non pas comme des souvenirs tendres mais comme des cauchemars. Donatello, refermant la porte de la chambre derrière lui, retirant violemment le peignoir blanc immaculé de la jeune femme, et la violant sans aucun ménagement, avant de s'arrêter et de la laisser choire au sol, pleurant, tremblant, suffoquant presque. Elle savait que ça ne se reproduirait pas aujourd'hui, il lui suffirait de crier pour que tout son personnel, déjà aux aguets, débarque dans le bureau en défonçant la porte. Elle se maîtrisa donc et laissa Donatello lui attraper son fin visage entre ses mains. Elle savait qu'ellle pouvait lui faire confiance. Que jamais il ne recommencerait. Qu'il n'avait même jamais voulu lui faire de mal. Qu'il avait juste dérapé. Gravement, certes. Mais il n'avait pas ça dans le sang. Elle avait su lire en lui.
Elle se retrouvait à nouveau à quelques centimètres de sa bouche, bercée par ses paroles. Elle savait que si elle ne luttait pas, elle commettrait elle aussi l'irréparable, qu'un simple baiser la hanterait chaque jour, la tourmantant encore plus que ce qu'elle ressentait depuis quelques temps pour Donatello, et que jamais elle ne pourrait regarder Antoni droit dans les yeux après ça. Et puis, qui parlait d'un simple baiser ? Et si ce simple baiser allait plus loin ? Elle ne se le pardonnerait jamais. Alors oui, il valait mieux qu'il parte, et tout de suite. Mais elle n'arrivait pas à le lui dire, elle ne voulait pas, elle avait besoin de sa présence. Alors, elle se contenta juste de murmurrer :

- Non, reste.

Et elle posa son index sur sa bouche, une bouche à la fois fine et pulpeuse, aux lèvres douces qu'elle avait envie d'embrasser. Elle entoura sa taille de ses bras et l'incita à se rapprocher d'elle. Il était là, debout devant le bureau surlequel Alissa était assise, l'enlaçant. Et contre toute attente, la jeune femme approcha ses lèvres de celle du bad boy et l'embrassa. Un baiser doux et innocent ...

Donatello pouvait lire en la jeune femme comme dans un livre ouvert et lorsqu'elle lui demanda de rester, il compris une sorte de malaise ou du moins qu'une lutte mentale possédait la belle italienne. Elle était totalement perturbée et tel un animal apeuré, elle tremblait, cachée dans le noir. Les même images qu'Alissa se remémorait, en voyant l'homme devant elle, lui traversa briévement l'esprit à part que Don', contrairement à elle, préférait se voiler la face plutôt que repenser à ces instants affreusement douloureux. Il avait été bestiale, il avait perdu le contrôle, et même si la jeune Calvini semblait lui avoir pardonné, jamais il n'obtiendrait son propre pardon. Il avait à ses yeux commit l'irréparable, la faute impardonnable et fréquenter Ali, même si cela était dur, lui permettait de payer chaque jour sa dette, de regarder chaque jour le visage de la jeune femme et de tenter chaque jour d'évacuer les souvenirs pesants en fermant les yeux tout en tentant d'être le plus adorable de garçons qui soient avec elle. La culpabilité le rongeait entièrement, c'est pour cela qu'il mesurait ses gestes au centimètre près, c'est pour cela qu'il ne se permettait aucune réaction du genre. A ce moment précis, il savait même qu'il ne pourrait quitter cette pièce tant qu'Alissa n'irait pas mieux. C'était désormais un devoir, il se devait de veiller sur elle tel un ange gardien déchu.
Elle voulait qu'il reste ? Oui, mais à quel prix ? Au point de souffrir continuellement de sa présence ? Baissant les yeux, le regard brillant, Don' prenait conscience d'une chose qui l'avait, jusqu'à présent peu tourmenté. Peut-être que sa présence auprès d'elle n'était pas la solution à leurs maux respectifs, peut-être que sa présence auprès d'elle servait juste à sauvegarder le souvenir, à faire en sorte qu'il soit toujours présent et virulant dans sa tête...Peut-être qu'il la détruisait à petits feux. Donatello, perdu aux fonds de ses tristes pensées, parce qu'envisager de s'éloigner d'elle était désormais difficile, ne remarqua pas les bras d'Alissa entourer sa taille, comme si ce geste était au fond des plus naturels, c'est seulement lorsque leurs lèvres se touchèrent que le jeune musicien se heurta à la réalité. Le baiser d'Alissa n'avait rien eu de désagréable, bien au contraire, il l'avait touché de la plus belle façon qui soit, il l'avait peut-être même soigné durant quelques secondes de ses obscures troubles...mais ce baiser avait à ses yeux rien de sincère. La jeune Calvini ne pouvait pas l'embrasser, ni même avoir envie de le faire, c'était simplement contre nature entre eux...Etait-elle perturbé à ce point ? Reculant d'un pas, il bafouilla :

"Je crois qu'on devrait arrêter de se voir, je crois que ma présence te fais beaucoup trop de mal. J'ai détruis une partie de ta vie, je ne veux pas gacher ce qu'il te reste...Ton fiancée, votre fils...C'est moi qui fais les bêtises habituellement Alissa, pas toi."

S'approchant de la porte du bureau, il se figea durant un instant, laissant glisser sa langue sur ses lèvres encore humides d'elle. Bordel, bordel. Pendant un court instant il avait cru voler, il avait cru renaître, redevenir le garçon enjoué qu'il était. Qui était-il pour vouloir dicter sa vie de la sorte ? Alors, perdant le contrôle une fois de plus, peut-être une fois de trop, il fit chemin arrière, attrapant la jeune femme entre ses bras, pour l'embrasser à son tour avec douceur.

Les paroles de Donatello résonnaient dans la tête d'Alissa. Il avait foutrement raison. C'était lui le roi des cons, lui qui faisait des conneries, lui qui craignait un max. Elle, elle était la parfaite mère de famille, fiancée à un homme formidable qu'elle aimait toujours, comme au premier jour. Elle ne pouvait pas tout gâcher, tout ça pour un mec comme Donatello. Un homme qui l'avait violé et qui avait brisé une partie d'elle, avant de commencer petit à petit à détruire son parfait petit univers, en la hantant de jour comme de nuit dans ses pensées. Elle n'avait pas le droit de risquer de tout perdre pour lui. Et pourtant, elle se sentait attirée comme un aimant. C'était plus fort qu'elle. Au dessus de ses forces. Elle ne parvenait pas à résister, elle n'était plus maîtresse de ses actes.
Elle aurait du alors aller dans le sens de Donatello, lui dire qu'il avait raison, que tout ceci était une erreur, une énorme bêtise. Elle aurait du lui dire que oui, elle aimait son fiancé et la famille qu'ils avaient fondé ensemble. Elle aurait du lui dire qu'elle voulait qu'il disparaisse de sa vie, que plus jamais elle ne voulait avoir affaire avec lui. Elle aurait du le laisser partir sans ressentir un putain de trou dans son coeur, comme s'il venait de le lui arracher, la laissant crever comme un chien.
Elle manqua de fondre en larmes, mais Donatello fit demi tour à temps et apporta à Alissa une véritable bouffée d'oxygène en l'embrassant. C'était comme une seconde naissance. Elle ne voulait plus que ce moment s'arrête, et pourtant, elle ne voulait pas aller plus loin. Embrasser, c'était déjà tromper, et elle ne voulait pas être une femme adultère. Antoni ne méritait pas ça. Et elle ne supporterait pas d'être une personne comme sa mère. Toute sa vie elle avait lutté pour ne jamais lui ressembler. Pourtant, elle était déjà en train de le devenir. Car si elle ne trompait pas sexuellement Antoni, elle le trompait, en lui mentant sur la nature de sa relation avec Donatello, et en pensant constamment au jeune homme.
Alors, après avoir reçu le tendre baiser de son presque amant, savouré ses lèvres à la fois douces et pimentées, entouré sa taille de ses mains, reçu quelques caresses, elle plongea son regard perdu dans celui de Donatello et lui dit :

- Empêche moi de faire une bêtise ... Empêche moi de tout plaquer pour toi ... Empêche moi de t'aimer Doni ...

Son corps traduisait tout le contraire de ce qu'elle lui disait. Elle caressait son visage tendrement, et passait ses doigts dans ses cheveux, tout en le dévorant du regard. Elle était à un doigt de faire l'amour sur son bureau avec l'homme qu'elle craignait autant qu'elle aimait.

L'empêcher de faire une bêtise ? La chose devenait plus facile à dire qu'à faire. Pris par le tourbouillon qui se déchaînait en lui, pris par la douceur des lèvres de la jeune femme Don' était incapable de faire quoi que ce soit, mis à part la garder près de lui, sentir son corps contre le sien, sentir son souffle contre son cou. Il déconnait à pleins tube bordel et même si former un couple avec la jeune femme était une idée plaisante, il s'efforçait à penser à tout le mal qu'allait représenter leur relation. Personne ne comprendrait leur passion. Tout le monde les blâmerait et Alissa finirait fatalement par en souffrir. Son entourage ferrait tout pour les séparer, la résonner. Elle deviendrait au sein de la Casa, la fille au syndrome de Stolckolm et ça, il le refusait. Peut-être que c'était vrai, peut-être que c'était juste un syndrome entre eux, mais il refusait qu'elle en souffre, il refusait qu'elle ait à l'entendre, il refusait qu'elle est à consulter tout un tas de psy qui l'éloigneraient directement de lui. Et Donni ? Le pauvre petit Donni ? Il ne méritait absolument pas de vivre ça, d'être tiraillé entre deux parents, de ne pouvoir grandir entouré de leur présence. Bref, Don' ne pouvait pas être égoïste, cela impliquait trop de choses, trop de souffrances. Il se devait, comme d'habitude de protéger Alissa mais là, autant dire qu'il était dans une sacrée galère et il craignait d'ores et déjà qu'il ne lui fasse du mal en la repoussant. Elle parlait d'amour. Non, elle ne pouvait pas, elle n'avait pas le droit. Personne ne pouvait l'aimer désormais. A ces mots, son visage se glaça et faisant un pas en arrière, tout en posant ses mains sur les épaules de la jeune femme, il se devait de la raisonner :

"Ali... On...On ne peut pas. On a pas le droit... Personne ne comprendra et surtout tout le monde cherchera à nous détruire...Ali je t'en prie, retrouve la raison et pense à ton fils...Il a le droit de grandir entouré par ses parents... On a pas le droit d'être à ce point égoïste..."

Laissant tomber ses bras, il baissa dans le même mouvement sa tête. Son corps entier n'avait plus de forces, il était tel une poupée désarticulée et chaque mot lui avait brûlé les lèvres. Il repoussait ce qu'il désirait le plus au monde, parce que c'était pas conventionnel, parce que c'était pas la norme, parce qu'elle en payerait les conséquences :

"Et puis...il faut que je t'annonce quelque chose... Je suis avec Sofia... On parle mariage..."

C'était dur bordel, il se détestait d'être aussi con, mais...fallait avouer que pour une fois, Sofia servait à quelque chose, même s'il avait peut-être un peu abusé avec le mariage...

Comment pouvait-il être comme ça avec elle ? Comment pouvait-il lui faire goûter les plaisirs du miel puis le goût amer du sel ? Comment pouvait-il la serrer si proche de son corps qu’elle sentait tout son être vibrer sous sa peau, et lui dire qu’ils devaient arrêter. Quel démon était-il pour la posséder ainsi ? Pourquoi n’arrivait-elle pas à se défaire de cette emprise. Elle ne comprenait pas elle-même. Elle n’avait jamais ressentit un tel plaisir, même dans les bras d’Antoni, et rien que cette pensée lui déchirait les entrailles. Elle était en train de trahir l’homme qu’elle aimait depuis des années, pour un mec qui l’avait violentée et souillée. Elle était en train de virer folle. Elle devait retrouver Angelo au plus vite, ça ne pouvait plus durer. Elle n’arrivait plus à lutter sans.
Donatello avait raison, personne ne pouvait comprendre. Pas même eux. Elle savait qu’au fond lui aussi ressentait la même chose. C’était évident. Leurs corps, leurs souffles, leurs regards, rien de tout ça ne mentait. C’était impossible. Ils étaient sur une corde raide, comme au bord d’une falaise, et il ne suffisait de pas grand-chose pour qu’ils ne commettent tout deux l’irréparable. L’impensable. L’impardonnable.
Alissa se sentait mal. Fébrile. Elle avait envie de crier. De lui crier qu’elle avait mal, à cause de lui. Qu’elle ne voulait que de sa présence. Qu’elle ne rêvait que de ses bras. Qu’elle n’embrasserait plus que ses lèvres. Mais là, c’étaient des larmes qu’elle embrassait. Les siennes. Et elles avaient un putain de goût amer, surtout quand Donatello lui annonça pour le mariage. Elle était toujours aussi proche de lui, mais il avait relâché son étreinte, comme abattu. Et elle, elle l’était encore plus. A ce moment là, elle eu la sensation de devenir de la poussière. Une poussière qui se volatilise en millions de particules et qui ne se reformera plus jamais de la même façon.
Elle essaya de capter son regard, de trouver au fond de ses yeux une faille. Celle qui le ferait revenir sur ses paroles, celle qui le ferait la serrer encore plus fort dans ses bras pour l’allonger sur le bureau et lui faire l’amour, cette fois sans aucune violence. Mais il baissait la tête. Alors, mordant l’intérieur de ses joues jusqu’au sang, hurlant de rage à l’intérieur, pensant à Donni, l’enfant dont Donatello semblait tant se soucier dans cette histoire, elle se jeta sur lui pour le frapper, hurlant qu’elle le détestait, qu’il n’avait pas le droit de lui faire ça.
Puis, après lui avoir fracassé le torse de ses petits poings de mouche, elle alla se réfugier dans un coin de la pièce, se recroquevilla sur elle-même et fondit en larmes. Elle devait Angelo, même s’il était tard, elle ne pouvait pas rentrer chez elle dans cet état. Antoni n’aurait pas compris. Il ne méritait pas de la voir dans cet état. Entre deux sanglots, elle réussit à articuler à l’intention de Donatello :

- Tu viens définitivement de me détruire. Tu aurais du m’achever la première fois, ça aurait épargné une vie.

L’image de son fils en tête, elle éclata en sanglot et devint totalement incontrôlable. Comme hystérique

Alissa était désormais en sanglot et rien que pour cette image il avait envie de se tirer une balle dans la tête. Il s'était pourtant promis que plus jamais il ne lui ferait du mal, que plus jamais il ne ferait couler ses larmes. Il avait faillit à sa propre promesse et le mal-être commençait déjà à l'envahir. Pourtant, il n'avait rien fait de mal, il avait même tenté de la protéger de lui, il avait même tenté de lui montrer à quel point tout ça serait néfaste, pour elle, pour son fils... et elle n'en faisait qu'à sa tête. Alissa faisait tout simplement un caprice parce qu'elle pensait bêtement qu'il se refusait à elle... Chose absolument fausse. Il avait envie de la rassurer, de lui avouer qu'il mourait d'envie de laisser glisser ses mains sur son corps tout entier...Mais il ne pouvait pas, parce que ça restait affreusement déplacé, il ne pouvait pas parce qu'il l'avait un jour violé. Quelques larmes commençèrent à couler le long de ses joues, c'était elle qui était en train de le détruire, ne le voyait-elle pas ? Que devait-il faire bon sang, afin qu'elle comprenne qu'il ne la repoussait pas, que c'était la société qui repoussait leur hypothétique liaison ? Finalement se rapprocher d'elle avait du être la plus mauvaise idée qu'il ait eut, finalement travailler ici les avait pousser à arriver à ce moment là, à ce déchirement. Les yeux bientôt baignés de larmes, il n'osait plus poser la main sur elle, et la voix chevrotante, il répondit juste :

"Alissa bordel, ne me dit pas ça...Tu me crêve litteralement le coeur. Je te repousse pas...Absolument pas, je te protège...Alissa, je ne peux pas me laisser aller, alors que j'en rêve...Parce que j'en ai pas le droit, parce que notre passé finira par nous détruire..."

Se prenant la tête entre les mains, tirant sur sa propre chevelure brune, il ajouta, sentant une forte migraine envahir son esprit :

"Ils seront tous contre nous, il chercheront tous à nous détruire, à nous séparer... On ne pourra pas vivre au grand jour sans risquer les messes basses, le mépris et le dégout... Je ne veux pas de ça pour toi, tu mérite tellement mieux...Je t'ai fais trop souffrir pour mériter de toucher ton coeur et ton corps..."

Il avait envie de pleurer dans ses bras, mais la pudeur le forçait à se tenir loin d'elle.

- ET DEPUIS QUAND TU TE PREOCCUPES DES AUTRES ?

Alissa ne supportait pas de voir Donatello se tenir si loin d'elle. Elle avait l'impression de le repugner. Après tout, il n'avait pas tort. Elle était répugnante. Elle aimait l'homme qui l'avait violée. Elle trompait l'homme qui l'aimait depuis des années. Elle était horrible, elle mériterait qu'on la traîne dans la boue et qu'on la jette aux lions.
Pour se convaincre qu'elle devait tout arrêter avec Donatello, arrêter de le voir, arrêter de lui parler, arrêter de penser à lui, arrêter de s'imaginer dans ses bras, arrêter tout court, elle se forca à repenser au soir où il l'avait sauvagement violé. A l'état dans lequel il l'avait laissé, gisant sur le sol, le corps nu et tremblant, s'étouffant dans ses larmes. Les images défilaient sous ses yeux, la rendant encore plus malade qu'elle ne l'était déjà.
Toujours recroquevillée dans un coin du bureau, pleurant à chaudes larmes, elle tenta de se relever avec difficulté. Une fois debout sur ses 2 jambes, le corps fébril, elle attrapa le premier truc qui lui passait sous la main, le livre de compte du Caffè, et le jeta de toutes ses forces sur Donatello, tout en hurlant :

- Tu t'es préoccupée de moi le soir où tu m'as violée ? Tu as pensé à moi ? Alors pourquoi aujourd'hui ça serait différent ?

Ne contrôlant plus rien, ni ses gestes, ni ses pensées, ni ses paroles, elle s'avanca encore plus vers lui, ne lui laissant plus le choix. Accrochée à son cou, elle pleurait, comme si elle le suppliait. Suppliait de l'aimer. Suppliait de tout lâcher pour elle. Suppliait de l'embrasser et de lui faire enfin l'amour dans la dignité. Elle l'embrassa alors, ses lèvres salées par les larmes, et lui dit ensuite :

- Juste une fois Donni ... juste une fois s'il te plait ...

Alissa touchait un point sensible. C'est vrai, depuis quand se préoccupait-il des autres ? Il était après tout quasi seul au monde, un peu comme Rémi sans famille... Et pourtant, avec elle, il n'avait plus envie de jouer à l'égoïste, il avait envie de la protéger du plus terrible de tous les fléaux du monde, c'est à dire lui-même.

Il était désormais en larmes et tout ce qu'elle faisait était que l'anéantir davantage. C'était donc ça le revers de la médaille ? La voir souffrir alors qu'on passe le plus clair de son temps à vouloir la voir sourire ? Le monde était bordel, un putain de paradoxe qu'il ne comprenait décidemment plus. Etait-elle complètement aveugle ? Et elle, se préoccupait-elle de lui ? Visiblement non, puisqu'elle ne souhaitait apparemment pas respecter ses choix. D'une voix remplie de sanglots, il tenta tant bien que mal d'articuler quelques mots :

"...Parce que je t'aime Alissa !"

Voilà, il était désormais mort. Ses propres mots l'avaient tué, l'avait ôté de toute vie. Dans sa folie, elle lui lança le livre des comptes sur le crâne avant de s'accrocher à lui, à son cou. Elle le suppliait d'être à elle rien qu'une fois. C'était terriblement touchant. Il ne sentait plus que ses lèvres au goût amer, il lui semblait que son cœur avait cessé de battre :

"Tu me fais du mal Alissa...Terriblement mal parce que tu m'oblige à te repousser, à te faire croire que tu me laisses indifférent alors que je ne veux que toi. Je veux être le seul tout comme je veux que tu sois la seule...mais tu n'es pas prête pour ça, pas prête de t'enfuir avec moi...Alors je fais ce qu'il y a de mieux pour toi. Je refuse, pour pas que tu es de regrets, pour pas que ça finisse à te bouffer la conscience...comme moi."

" Parce que je t'aime ".
Ces mots avaient résonné en Alicia comme si une bombe avait explosé juste à côté d'elle. Elle était encore plus fébrile, elle avait l'impression d'être dans la quatrième dimension, de flotter quelque part entre ailleurs et l'infini, de ne plus être vivante, d'avoir des jambes en coton. Bref, elle était comme droguée. Pourtant, elle savait que Donatello n'y était pour rien, qu'elle se mettait elle même dans cet état. Qu'elle était conne. Pourquoi faisait-elle tout ce cinéma ? Elle savait pertinemment que jamais elle ne quitterait Antoni pour Donatello. Elle n'en avait pas le courage parce qu'elle aimait Antoni, profondément et sincèrement. Tout comme elle aimait Donatello. Ces putains de sentiments à la con la rendait folle. Pourquoi devait elle choisir entre ces deux amours ? Pourquoi Donatello avait-il marqué sa vie à tout jamais de cette façon. TOut était si simple pour elle avant.
C'était comme si son coeur ne battait plus et qu'elle ne vivait que par un fil invisible qui la reliait au coeur de Donatello. Elle absorbait ses paroles, ses paroles qui faisaient mal et la tuaient à petit feu. Elle ferma les yeux, persuadée qu'elle ne faisait qu'un mauvais rêve, qu'elle allait aussitôt se réveiller dans les bras de son futur mari, ou dans ceux de son meilleur ami, qu'on lui dira que rien de tout cela ne s'est jamais produit, que Donatello n'existe que dans son imagination. Mais rien ne se passa. Elle était toujours dans les bras de celui qui était en train de l'enterrer vivante par ses propos. Elle sentait toujours les lèvres de celui qui se refusait à elle et qui avait foutrement raison. Elle était toujours avec celui qui malgré tout partagerait toujours quelque chose d'unique avec elle.

- Tais toi. Tais toi, je dois te dire quelque chose Don'.

Elle regarda Donatello comme pour se donner du courage et poursuivit :

- Tu dois être au courrant, il le faut. C'est au sujet de ... de Donni.

Puis, prenant conscience de ce qu'elle s'apprêtait à faire, elle s'arrêta net et dit :

- Non, non, non, je ne peux pas. Tu as raison, pars puisque c'est ce que tu désires tant. CASSE TOI !